L’abus de biens sociaux : prévenir, sinon guérir…
Par le cabinet Bayān, intervenant en Défense pénale & Contentieux des affaires.
En tant que cabinet d’avocat accompagnant quotidiennement des dirigeants d'entreprise, nous constatons régulièrement la zone grise dans laquelle beaucoup de dirigeants évoluent concernant certaines pratiques de gestion.
L'abus de biens sociaux (ABS) constitue l'un des risques pénaux les plus significatifs pour tout dirigeant, avec des sanctions pouvant atteindre cinq ans d'emprisonnement et 375.000 euros d'amende.
Cette infraction, devenue phare, mérite une attention particulière - tant pour l'éviter que pour organiser efficacement votre défense si vous deviez y faire face.
Qui encourt ce risque pénal ?
La loi cible spécifiquement les personnes disposant d'un pouvoir de direction sur la société :
· Les dirigeants de droit (gérants, présidents, directeurs généraux) ;
· Les dirigeants de fait (exerçant en pratique les fonctions de direction sans mandat formel).
Conseil pratique : Si vous intervenez dans la gestion d'une société sans mandat social, vous pourriez néanmoins être qualifié de dirigeant de fait et encourir les mêmes sanctions. Une clarification de votre statut peut s'avérer nécessaire.
Les simples associés ou actionnaires ne peuvent être poursuivis directement pour ABS, mais attention : ils peuvent être impliqués comme complices ou receleurs si leur participation est établie, ce qui arrive plus souvent qu'on ne le pense.
Les cas d’ABS régulièrement observés
1. La confusion des patrimoines : le piège classique
La frontière entre votre patrimoine personnel et celui de votre société doit rester étanche. Voici les situations les plus souvent contestées devant les tribunaux :
· L'utilisation des moyens de paiement de la société pour des dépenses personnelles
· La prise en charge d'amendes ou d'impôts personnels
· Le financement d'une autre de vos sociétés sans justification économique solide
· L'utilisation des ressources humaines de l'entreprise pour des services personnels
L'exception des groupes : La jurisprudence admet des flux financiers entre sociétés d'un même groupe sous conditions strictes qui doivent être rigoureusement structurées :
· L'existence d'un véritable groupe avec des liens économiques et juridiques formalisés
· Une contrepartie réelle et un intérêt clairement documenté
· L'absence de sacrifices disproportionnés pour la société qui supporte l'opération
2. La rémunération excessive : un contrôle judiciaire accru
Même si vous êtes dirigeant fondateur et actionnaire majoritaire, votre rémunération reste soumise à un contrôle de proportionnalité. Les magistrats examineront :
· L'adéquation avec votre activité réelle
· La cohérence avec la situation financière de la société
· L'évolution en période de difficultés
Point d'alerte : Les tribunaux sanctionnent particulièrement le maintien de rémunérations élevées en période de difficultés financières. Une adaptation proactive est toujours préférable à une contestation judiciaire ultérieure.
3. Le compte courant débiteur : une ligne rouge à ne pas franchir
L'un des cas les plus fréquents en matière d'ABS concerne les comptes courants d'associés débiteurs. Si les avances de fonds à votre société sont parfaitement légitimes, l'inverse est particulièrement risqué.
Attention : Ni le remboursement ultérieur, ni l'approbation par l'assemblée générale ne peuvent effacer l'infraction une fois constituée. Une stratégie préventive est indispensable.
4. Les pratiques illicites "pour la bonne cause"
Une erreur d'appréciation fréquente consiste à penser qu'agir dans l'intérêt apparent de l'entreprise justifie des moyens contestables (pots-de-vin, fraude fiscale, etc.).
La jurisprudence est sans ambiguïté : exposer votre société à un risque pénal ou fiscal est contraire à l'intérêt social, quels que soient les avantages économiques immédiats.
Les stratégies de défense : notre approche en cas de poursuites
Si vous faites l'objet d'accusations d'abus de biens sociaux, plusieurs axes de défense peuvent être envisagés :
1. Contester l'élément intentionnel
L'infraction exige la preuve que vous avez agi "à des fins personnelles ou pour favoriser une autre société dans laquelle vous avez un intérêt". Une évolution jurisprudentielle récente offre de nouveaux arguments de défense : le simple caractère irrégulier d'une opération ne suffit plus à présumer automatiquement votre intérêt personnel.
2. Démontrer l'intérêt social de l'opération
L'expérience montre l'importance cruciale de pouvoir documenter :
•La motivation économique des décisions contestées
•La contrepartie réelle pour l'entreprise
•L'absence de préjudice significatif
3. Maîtriser les règles de prescription
Le délai de prescription de l'ABS est de six ans à compter de la découverte de l'infraction, mais sa détermination est souvent complexe, particulièrement en cas de dissimulation. Une analyse précise de la chronologie des faits peut parfois conduire à l'extinction de l'action publique.
4. Contextualiser les opérations litigieuses
Les tribunaux sont sensibles à la réalité économique de l'entreprise. Une opération contestée peut parfois être justifiée par des circonstances particulières ou des usages sectoriels qu'il convient de mettre en avant.
Nos recommandations préventives pour sécuriser votre gestion
Établir une séparation rigoureuse des patrimoines
·Maintenez des comptes bancaires strictement distincts
·Documentez systématiquement toute dépense engagée avec les moyens de la société
·Faites valider formellement les opérations sensibles par les organes sociaux compétents
Formaliser les relations financières
·Établissez des conventions écrites pour les prêts, avances ou garanties
·Respectez scrupuleusement les procédures d'approbation des conventions réglementées
·Évitez absolument les comptes courants d'associés débiteurs, ou encadrez-les par des conventions de trésorerie formalisées
Structurer une politique de rémunération défendable
·Alignez votre rémunération sur des références objectives (benchmarks sectoriels)
·Adaptez-la proactivement en fonction de l'évolution de la situation financière
·Documentez les critères de fixation des rémunérations variables
Mettre en place des garde-fous internes
·Instaurez des procédures de validation pour les opérations importantes
·Prévoyez des vérifications régulières des comptes et des opérations sensibles
·Sensibilisez vos équipes aux risques juridiques
Conclusion : anticiper plutôt que subir
L'expérience de la défense de nombreux dirigeants démontre une constante : la prévention est infiniment moins coûteuse et traumatisante qu'une procédure pénale, même lorsqu'elle aboutit à une relaxe.
En tant que cabinet d’avocat accompagnant quotidiennement des dirigeants d'entreprise, notre approche privilégie l'anticipation des risques et la mise en place de pratiques sécurisées. Cependant, si vous faites face à des poursuites, une stratégie de défense adaptée et proactive sera mise en place.
N'hésitez pas à contacter le cabinet Bayān pour un audit préventif de vos pratiques ou pour organiser votre défense face à des poursuites engagées. Nous vous accompagnons tant dans la prévention que dans la gestion contentieuse des situations d'abus de biens sociaux.